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Introduction par Serge Klarsfeld à la lecture des noms des déportés
du convoi n°68 le 10 février 2014
au Mémorial de la Shoah à Paris

Le convoi 68 est le premier convoi de 1500 personnes. Je voudrais
rappeler un petit peu la politique des convois. Vous vous rappelez qu’en
1942, il y a eu 43 convois : 42 convois en moins de 4 mois et 33 convois
en 11 semaines. Ils partaient le lundi, le mercredi, le vendredi.
C’étaient tous des convois de 1000 personnes. Et puis il y a eu la
réaction de la population et des Églises à la fin du mois d’août 1942
qui a stoppé Vichy dans cette voie de la coopération massive parce que
Vichy aurait continué à ce rythme. Et même les allemands voyant qu’il y
avait 33 convois en 11 semaines ont prévu entre le 15 septembre et le 31
octobre 1942 un convoi par jour. Ce programme n’a pas été appliqué en
raison justement de la réaction de la population et des Églises.

Entre le 11 novembre 1942 et le 9 février 1943, il n’y a eu aucun
convoi. Il y a eu des périodes comme çà. Entre le 9 février et le 25
mars 1943, il y a eu 8 convois et entre le 25 mars 1943 et le 23 juin
1943, il n’y a pas de convoi pendant presque trois mois. A partir du 25
juin jusqu’au 17 décembre, il y a eu 9 convois. Donc en tout 17 convois
pendant cette année 1943.

Et puis à la fin de l’année 1943, au dernier trimestre de l’année 1943,
comme Vichy craint de nouveau une réaction des Églises et de la
population, Vichy refuse la dénaturalisation massive des juifs
naturalisés après 1927. Et les allemands, en représailles, commencent à
arrêter eux-mêmes ou par l’intermédiaire des préfectures qui sont les
moins résistantes à la pression allemande comme à Bordeaux par exemple,
commencent à arrêter les juifs français massivement. Mais il arrêtent
eux-mêmes ou par le biais des préfectures les moins courageuses, à
Bordeaux par exemple. Nous l’avons vu avec le convoi numéro 66. De
Bordeaux viennent 364 juifs et de Poitiers viennent 425 juifs qui
arrivent le 3 février. Le 3 février, c’est la date du départ du convoi
numéro 67, une semaine avant ce convoi numéro 68.

Donc le nombre des juifs déportés par convoi varie. Au lieu de 1000, on
voit que le convoi numéro 63 qui est parti le 17 décembre, il n’y a que
850 juifs, je dis « que » parce que je me mets dans l’optique des
allemands, il n’y a que 850 déportés parce que les allemands n’en n’ont
pas arrêté assez. Mais ils arrêtent maintenant à travers toute la
France. Le convoi 66, il y a 1155 déportés, le convoi 67, il y a 1214
déportés et le convoi 68, 1500 déportés. Entre le départ du convoi 67 du
3 février et le départ du convoi 68 le 10 février, il y a une semaine.
Et le 3 février quand le convoi 67 partait, 425 juifs sont arrivés de
Poitiers. Et le 4 février, il y a une rafle qui a commencé le 3 à 23h à
Paris et qui vise de nouveau les juifs considérés comme apatrides et
certains juifs étrangers, dont par exemple les juifs argentins. Nous
avons une spécialiste ici de l’Argentine qui vient d’écrire un livre sur
les juifs argentins. Comme l’Argentine a déclaré la guerre à
l’Allemagne, eh bien les allemands arrêtent aussi les juifs argentins.
Donc le 4 février, 480 juifs sont arrêtés par la préfecture de police à
Paris et sont amenés à Drancy.

Il faut dire également que Bousquet, chef de la police de Vichy à la fin
de l’année a été éliminé par les allemands. Étant donné la situation
militaire, il renâcle et il se rend compte de ce qu’il a fait. Il y a
même une note au mois de septembre 1943 qui est explicite et qui est une
note qu’il aurait dû remettre aux allemands en juillet 1942 à la veille
de la rafle du Vel d’Hiv, où il dit que le fait d’être juif n’implique
aucune raison pour être arrêté. Donc Bousquet est éliminé au profit de
Darnand qui est le chef de la milice, donc un extrémiste. Les allemands
ont choisi de mettre à la tête de la police le chef de la milice.
Simplement le titre change, au lieu d’être secrétaire général à la
police, il devient secrétaire général au maintien à l’ordre et il a sous
ses ordres la milice et la police nationale.

Alors arrivent aussi entre le 3 et le 10 février, 70 juifs de Nice, 61
de Lyon, 66 de Grenoble. Aloïs Brunner le commandant de Drancy, après
avoir raflé les juifs sur la Côte d’Azur remonte à Grenoble. C’était
l’ancienne zone italienne où les juifs était protégés. Et donc il
s’installe près de la gare dans un hôtel comme il l’avait fait à Nice.
Il envoie donc les juifs vers le camp de Drancy. La rafle du 3 février,
il y a des instructions extrêmement précises à Paris et pour la première
fois on voit écrit « si les gens ne répondent pas, eh bien il faut
enfoncer les portes ». Il y a 2345 juifs. Finalement on arrête 480
personnes. Mais il y a à peu près 800 policiers pour les arrêter.

Le convoi donc est composé de 1500 personnes : 680 hommes, 820 femmes,
parmi eux 295 enfants. Et à l’arrivée du convoi à Birkenau, 210 hommes
ont été sélectionnés, 61 femmes, et 1229 personnes ont été gazées
immédiatement. Et en 1945, il y avait connu 60 survivants dont 32
femmes. Voilà donc le destin de ce convoi, destin atroce : 1229 gazés
immédiatement.

On se rend compte de ce qu’était ce crime, surtout maintenant quand nous
entendons ce qu’on entend et quand on voit que les meetings des
antisémites, sans mentir, font l’objet de nombreuses assistances. Nous
sommes ici d’un certain âge je crois, il y a très peu de jeunes, mais en
tout cas, il va falloir se mobiliser. Quatre d’entre nous ont mis une
petite annonce pour rappeler le sort des leurs. Et la petite annonce se
termine en disant que « Nous regrettons de nous retrouver dans les
heures sombres de notre enfance ». Alors j’espère que la République
saura se mobiliser, que les français sauront se mobiliser et d’abord que
les juifs sauront se mobiliser. Voilà, maintenant, nous allons passer à
la lecture des noms.